Noëlle (Marie-Noëlle)1 Landeau : Ses premières années en Nouvelle-France

À Trois-Rivières, samedi le 9 juin 16632, Noëlle Landeau, veuve de Jean Baudoin, épouse en secondes noces Louis Tétreau. Louis et Noëlle seront les ancêtres de toutes les familles Tétreau d’Amérique.

Origine de Noëlle Landeau

Noëlle, fille de Jean Landeau, laboureur, et Marie Aubert, fut baptisée le mardi 2 novembre 16383 à la paroisse St-Barthélemy, commune de Jauzé, évêché de Le Mans au Maine (aujourd’hui : département de la Sarthe). Les registres paroissiaux de cette paroisse ayant été en partie détruits, nous n’avons que peu d’information sur sa famille. Nous savons qu’au moins deux autres enfants sont nés de l’union de ses parents; Jean baptisé le 28 février 1634 et Jean baptisé le 23 octobre 1635. Il est fort probable que Jean né en 1634 soit décédé puisque l’enfant qui suit porte le même prénom. Il était courant à l’époque de donner le prénom d’un enfant décédé à l’enfant suivant de même sexe. Jean, père de Noëlle, serait décédé avant août 1659, date du mariage de cette dernière.

Origine de Jean Baudoin

Jean, fils de Jacques Baudoin et Madeleine Pichon, fut baptisé dans la commune de Courcival, paroisse St-Brice, évêché de Le Mans au Maine (département de la Sarthe), le dimanche 27 mai 16354. On lui connaît au moins cinq frères et une soeur tous baptisés à Courcival soit : Pierre (1623), Antoine (1626), Nicolas (1629), Etienne (1632), Madeleine (1639) et René (vers 1645). Parmi ceux-ci, une soeur et un frère viendront le rejoindre en Nouvelle-France. Il s’agit de sa soeur Madeleine qui épouse Sévérin Ameau en 1662 à Trois-Rivières et de son frère René qui épouse Marie Raclos en 1671. Madeleine Pichon, mère de Jean, fut inhumée le 17 juin 1650 dans l’église de Courcival. Lors de son mariage avec Noëlle Landeau en 1659, les parents de Jean sont tous deux décédés.

La Nouvelle-France, un rêve d’enfants ?

Au milieu du XVIIe siècle, c’est entre autres à Saint-Cosme-en-Vairais, situé à quelques kilomètres de Jauzé et de Courcival, que Robert Giffard, seigneur de Beauport, venait recruter des colons pour la Nouvelle-France. C’est ainsi qu’au fil des ans, environ 35 habitants de ce village, issus de 13 familles, s’embarquèrent pour l’Amérique5.

Dès 1644, alors que Noëlle et Jean sont âgés respectivement de 6 et 9 ans, Louis Gagné et son épouse quitteront Saint-Cosme-en-Vairais pour la Nouvelle-France. En 1649, ce sera au tour d’Antoine Rouillard de quitter cette commune, puis des familles Bisson, Roulois, Rocheron, etc. Neuf ans après que Louis Gagné se fut établi en Nouvelle-France, son frère Pierre et son épouse Marguerite Rouzée viendront le rejoindre. Marguerite avait été baptisée le 11 novembre 16156 dans la commune de Jauzé tout comme Noëlle. Cinq enfants de Louis Gagné et Marguerite Rouzée sont baptisés entre 1640 et 1651 à Saint-Cosme-en-Vairais et Courcival7. Il semble très probable que Noëlle Landeau et Jean Baudoin, ou du moins leurs parents, connurent les familles Rouzée et Gagné.

Dans les années qui suivirent, plusieurs jeunes hommes habitant les villages voisins de Jauzé et Courcival, se rendirent en Nouvelle-France. Ce fut le cas de Pierre Voyer de Marolles les Braults8, de Thomas Pageau de Saint-Aignan, de Massé Besnier de Rouperroux-le-Coquet et de Mathurin Leprêtre de Bonnétable9.

De plus, c’est dans les environs de La Flèche, à environ 75 kilomètres au sud du village natal de Noëlle, que Jérôme LeRoyer de la Dauversière et Paul Chomedey de Maisonneuve recrutèrent la majorité des engagés de la grande recrue de 1653.

Il semble donc vraisemblable que Noëlle Landeau et Jean Baudoin aient entendu parler de la Nouvelle-France dès leur plus jeune âge et que ce grand voyage ait alimenté leurs rêves d’enfants.

Promesse de mariage ?

Dans quelles circonstances Noëlle vint-elle en Nouvelle-France ? À cette époque, la presque totalité des femmes célibataires qui s’embarquaient pour la Nouvelle-France étaient soit des engagées, des religieuses ou elles accompagnaient leur parents. Autrement, elles suivaient leur époux. Selon les informations que nous possédons, Noëlle ne semble pas se trouver dans aucune de ces situations.

Serait-il possible que Noëlle ait été promise en mariage ?

Il est tout à fait plausible que Noëlle Landeau ait été promise à Jean Baudoin, son futur époux. En effet, Jean Baudoin était natif de Courcival à environ trois kilomètres de Jauzé. Bien que nous ne connaissons pas la date exacte de l’arrivée de Noëlle, nous savons qu’à l’époque, une jeune femme ne restait pas célibataire longtemps en Nouvelle-France. Il y a donc tout lieu de croire qu’elle serait arrivée au cours de l’été 1659.

Selon l’historien Marcel Trudel, Jean Baudoin serait arrivé en Nouvelle-France en 1658 ou avant puisque le 30 juillet 165810, il est témoin à un marché. Je n’ai cependant retrouvé aucune trace de ce document. Nous ne possédons que très peu d’information concernant le premier époux de Noëlle Landeau.

Les épousailles

Le mardi 12 août 1659, Jean Baudoin épouse Noëlle Landeau à Trois-Rivières. Jean et Noëlle ne concluront leur contrat de mariage que le 24 juin 1660 devant le notaire Séverin Ameau, leur futur beau-frère. Plusieurs notables de Trois-Rivières seront présents lors de la signature de ce contrat qui stipule :

[…] Faict le dict contrat aux Trois-Rivières ce jourd’huy vingt quatriesme jour de juin mil six cent soixante en presence de leurs parents et bons amis a scavoir pour le dict Beaudoin de sa part, les sieurs Jacques LeNeuf Escuyer Sieur de la Potterie lieutenant des Trois-Rivières, Da moiselle Marguerite Legardeur femme d’ Sr de la Potterie, Michel LeNeuf Escuyer Sr du Herisson lieutenant general civil et criminel au gouv. des Trois-Rivières, François Poulain Sr de la Fontaine procureur fiscal aux Trois-Rivières, […] Madelaine Beaudoin (soeur de Jean); et de la part de la dicte Landeau ont assisté Jean de Godefroy escuyer sieur de Lintot au logis duquel elle est a present demeurant, damlle Marie Leneuf femme du Sr de Godefroy, Louis de Godefroy Ecr Sr de Normanville, Jacques de Godefroy Ecr Sr de Vieuxpont, […]

On apprend par ce contrat que Noëlle Landeau habite chez Jean de Godefroy, sieur de Lintot, et son épouse Marie Leneuf. Le même jour, le notaire Ameau rédige le contrat de mariage de Madeleine Baudoin et de Jean Bellet dit Lachaussée, contrat qui n’aura aucune suite. Cette dernière habite aussi chez le sieur de Lintot, tout comme Marie Drouillard qui s’était présentée chez le même notaire avec son époux Pierre Disy dit Montplaisir, le 14 juin précédent.

Tout comme Noëlle Landeau et Jean Baudoin, Marie Drouillard et Pierre Disy se sont épousés un an avant la rédaction de leur contrat de mariage, soit le dimanche 13 juillet 1659.

Les Leneuf et les Godefroy

Jean Godefroy sieur de Lintot, originaire de Normandie, vint en Nouvelle-France vers 1626 avec son frère Thomas Godefroy sieur de Normanville. Ils servirent tout deux sous Champlain en qualité d’interprètes. Vers 1633, Jean et Thomas s’établirent dans la région de Trois-Rivières. C’est à cet endroit, en 1636, que Jean épouse Marie Leneuf, sœur de Jacques Leneuf de la Poterie, futur gouverneur de Trois-Rivières, et Michel Leneuf du Hérisson, marchand de fourrures. Thomas décède en 1652, massacré par les Iroquois.

Jacques Leneuf de la Poterie, frère de Marie, et son épouse Marguerite Legardeur de Repentigny, arrivèrent en Nouvelle-France en 1636, accompagnés de plusieurs membres de leurs familles respectives dont Michel Leneuf du Hérisson, Pierre Legardeur de Repentigny, Charles Legardeur de Tilly et plusieurs autres. Selon le dictionnaire biographique du Canada « ils formaient un véritable clan de famille, comme on le dit plus tard, qui pendant plusieurs années chercha à s’approprier le monopole de la traite des fourrures, et fut à l’origine de la communauté des habitants11 » . De 1645 à 1662, Jacques Leneuf sera nommé gouverneur suppléant de Trois-Rivières à plusieurs reprises.

Jean Baudoin, coureur des bois ?

Il est possible que Jean Baudoin, Pierre Disy dit Montplaisir et Jean Bellet dit Lachaussé aient été coureurs des bois. En effet, jusqu’en 1665, Trois-Rivières était un important poste de traite en Nouvelle-France. Les hommes étant absents la majeure partie du temps, les femmes auraient logé chez le sieur de Lintot, membre de la communauté des habitants. De plus, l’un des fils du sieur de Lintot, Jacques, était un important marchand de fourrures près de Trois-Rivières, tout comme Michel Leneuf du Hérisson, frère de Jacques Leneuf sieur de la Poterie.

L’un des rares documents que nous possédons, concernant Jean Baudoin, se trouve dans les archives de la prévôté de Trois-Rivières en date du 4 juin 166112. Cette cause concerne des hardes appartenant à Antoine Bry dit Larose qui ont été retirées de chez Jean Baudoin par le sieur de la Poterie, gouverneur de Trois-Rivières. On apprend à ce moment qu’Antoine Bry dit Larose a été fait prisonnier par les Iroquois. Probablement a-t-il été tué par eux puisque l’on n’entendra plus jamais parler de lui. Son acte de sépulture n’a jamais été retrouvé tout comme celui de Jean Baudoin.

La famille s’agrandit…

Le 8 avril 1661 à Trois-Rivières, sera célébré le baptême de Louis Baudoin, premier enfant de Jean et Noëlle. Ses parrain et marraine seront Louis Godefroy, fils de Jean, et son épouse Madeleine Seigneuret.

L’année suivante, le 22 avril 1662, ils feront baptiser leur second enfant, Madeleine. Le parrain de celle-ci sera Massé Besnier, originaire de Rouperroux-le-Coquet, village voisin de Jauzé et de Courcival. La marraine sera Madeleine Baudoin, sœur de Jean. À ce moment, on apprend que Jean Baudoin est décédé puisqu’il est inscrit au registre des baptêmes que Madeleine est la fille posthume de Jean Baudoin.

Le samedi 9 juin 1663, Noëlle Landeau épouse Louis Tétreau à Trois-Rivières. Leur contrat de mariage avait été rédigé, le 20 janvier précédent, par le notaire Ameau. Par ce contrat Louis Tétreau promet « fournir la nourriture & entretenement a Marie Magdelaine Baudouin fille dud. deffunct Jean Baudouin & de la dicte Noelle Landeau jusques a ce quelle soit en aage destre pourveue par mariage, laquelle il reçoit en mesmes droits comme si elle luy appartenoit en propre… ».

Nulle mention n’est faite de Louis Baudoin, fils aîné de Jean et Noëlle. Louis serait donc décédé avant le 20 janvier 1663. Tout comme son père, son acte de décès demeure introuvable.


Madeleine Baudoin, fille de Jean Baudoin et Noëlle Landeau, épouse Martin Foisy, veuf de Jeanne Bouchard, vers 1679 à Champlain. Leur contrat de mariage a été rédigé par le notaire Ameau, le vendredi 29 décembre 1679. Onze enfants naîtront de cette union et parmi leur descendants nous retrouvons Alfred Bessette, le célèbre « frère André », qui descend directement de Martin Foisy et Madeleine Baudoin par sa mère Clothilde Foisy.

Une nombreuse descendance

Donc, en plus d’être l’ancêtre maternel de tous les Tétreau d’Amérique par son mariage avec Louis Tétreau, Noëlle Landeau est aussi l’ancêtre maternel de tous les Foisy, puisque sa fille Madeleine a épousé l’ancêtre des familles Foisy d’Amérique.

Notes

1 Dans cet article, nous utiliserons le prénom de Noëlle puisque c’est celui qui figure dans son acte de baptême ainsi que dans celui de ses deux mariages, ce n’est qu’à partir de 1664 que nous la retrouvons parfois sous le nom de Marie-Noëlle. 

2 Sauf exception, les actes mentionnés dans ce texte, sont tirés soit des registres des paroisses indiquées ou des minutiers microfilmés aux Archives Nationales du Québec (Montréal), soit des banques de données du Programme de recherche en démographie historique (PRDH) version Internet (www.genealogie.umontreal.ca) ou du Dictionnaire généalogique des familles du Québec des origines à 1730 de René Jetté, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1983.

3 Registres paroissiaux de la commune de Jauzé, département de la Sarthe, France. Microfilmés par la Genealogical Society of Utah.

4 Registres paroissiaux de la commune de Courcival, département de la Sarthe, France. Microfilmés par la Genealogical Society of Utah.

5 Culture, patrimoine, folklore du Saosnois en Sarthe, le Maine-Normand (72). http://www.saosnois.com/st%20cosme%20en%20vairai/histoire_de_st_cosme_de_vair.htm

6 Registres paroissiaux de la commune de Jauzé, département de la Sarthe, France. Microfilmés par la Genealogical Society of Utah

7 Culture, patrimoine, folklore du Saosnois en Sarthe, le Maine-Normand (72).

8 Normand Robert, Nos origines en France : Des début à 1825, Anjou, Maine, Orléanais et Touraine. Tome 5. Société de recherche historique Archiv-Histo, Montréal, 1994, p. 68.

9 Fichier Origine : Thomas Pageot, Massé Besnier, Mathurin Leprêtre.

10 Marcel Trudel, Catalogue des immigrants 1632-1662. Montréal, Hurtubise HMH, 1983.

11 Groupe de notables de la colonie qui a détenu le monopole de la traite des fourrures en Nouvelle-France de 1645 à 1663. 

12 Archives nationales du Québec (Trois-Rivières). Document de la prévôté de Trois-Rivières, 4 juin 1661.